La question de la motivation en Aïkido

Pourquoi  je pratique l’Aïkido? Qu’est ce qui me motive à investir cet art martial ? Vers quels buts je tends?

Ces questions peuvent paraître anodines ou superflues. Pourtant, elles sont pour moi d’une importance capitale et continuent de m’interpeller quotidiennement.

Elles posent le sens de mon engagement dans cette voie et portent en elles le germe de mon évolution. Elles m’ont souvent troublé et poussé à réfléchir en moi avec plus d’acuité.  C’est la raison pour laquelle je voulais les partager avec vous dans ce premier post.

L’Aïkido est pour moi une Voie de réalisation, de libération, de transcendance de la dualité. Son support, son moyen est l’étude du combat de survie.  S’il existe de nombreuses visions de l’Aïkido, toutes les définitions  s’accordent sur la notion de Voie, d’unité, de compassion, d’harmonie et de liberté. Dans tous les cas, c’est un idéal extrêmement élevé, peut-être même inatteignable, qui est proposé. 

Cependant ces définitions de l’Aïkido ne sont (aussi) que des mots, un discours, une croyance. Pour moi, seule l’expérience compte véritablement. J’ai pris conscience que se cacher derrière des concepts  que je  ne pouvais entendre réellement sans les vivre, sans les ressentir corporellement, conduisait  invariablement à l’impasse. Lorsque je considère mon étude de l’Aïkido,  il me semble important de partir de mon endroit, de ma matière, de ma personne. C’est la seule façon que j’ai trouvée pour ne pas dévoyer ni galvauder cet idéal. C’est aussi un moyen pour ne pas se faire écraser par une visée qui semble hors de portée. 

Considérer authentiquement ma matière ou mon terreau a été et reste quelque chose de difficile. L’image de moi-même a souvent été mise à mal lorsque  je me suis mis à nu, lorsque j’ai posé un miroir clair où apparaissaient  émotions, désirs et  pensées. 

Lorsqu’un ami m’a posé ces questions sur ma motivation réelle  avec insistance et tranchant, je me suis senti très troublé. Si j’étais à même de répondre, je percevais la superficialité de mes propos. L’absence de véritable justesse en moi. Je parlais avec sincérité et  avec beaucoup d’ignorance. Je n’ai pas toujours cherché les réponses assez profondément, ou trop de filtres, de mécanismes défensifs m’empêchaient de percevoir clairement  mes ambitions. Lorsque je réfléchissais, n’usant que de mon intellect,  les réponses à la question « pourquoi pratiques-tu l’Aïkido ? » sonnaient creux.  Les mots exprimés étaient alors dissonants ou fades, non incorporés, non assimilés. Juste une couche de vernis.

Ne pas prendre en compte les processus personnels qui m’ont conduits et/ou qui me conduisent à l’Aïkido, a engendré beaucoup d’errements. Bien sûr, ma technique, mon mouvement corporel s’amélioraient  avec l’entraînement quotidien mais je me sentais à côté, tentant de construire en  dehors une évolution qui devait s’épanouir en moi et se manifester dans la forme. En tous cas, je sentais que mon potentiel ne pourrait s’exprimer pleinement dans ces conditions. Trop de contradictions, trop de dualité, trop de doute.  Aller voir en moi ce qui me pousse à pratiquer est maintenant pour moi fondamental. Si les réponses que j’ai découvertes dans un premier temps étaient généralement peu reluisantes, futiles ou puériles, c’est mon terreau. Elles ne sont pas à juger ou à rejeter, elles font partie de mon évolution. J’ai pris conscience que je devais les  considérer avec attention.

La recherche de ma ou mes motivations  dans la pratique - car l’introspection se poursuit - continue de produire une forme de Misogi, ou nettoyage, que je dois renouveler sans cesse. Pour peu que je fasse preuve d’honnêteté radicale vis-à-vis de moi-même,  elle m’amène à percevoir mes problématiques personnelles, mes blocages. Or c’est la prise de conscience de mes tensions internes qui ouvre l’espace nécessaire pour favoriser la libération des conditionnements et pour me permettre d’évoluer vers des motivations plus justes en moi et pour moi. C’est le point central, ce qui génère le reste, l’attitude, le mouvement… Tout comme l’intention guide le geste, la motivation guide la pratique et influence sa manifestation, sa forme.

Si ma motivation a évolué depuis, je me rends compte que la plus belle des aspirations peut être reléguée au second rang, voir être oubliée dans un coin de mon être, recouverte  par des orientations futiles et mondaines. Il n’est pas rare que je me perde, que je perde de vue l’essentiel et que des ambitions stériles occupent mon espace. Je pense que cela fait partie du chemin, c’est humain. Nos habitudes nous tournent vers l’extérieur.  J’essaye de ne pas perdre le fil, de nourrir mes aspirations les plus profondes, pour continuer d’évoluer en tant que Budoka.  

Il me semble impératif alors, de me reposer la question régulièrement, intimement, profondément « Quelle est ma motivation ? ».

Et vous, quelle est votre motivation ?