La préparation en Aïkido, une conscientisation au quotidien.

Une préparation pour quoi ?

Le contexte d’étude théorique de l’Aïkido, tel que je le perçois, est la préservation de sa vie dans une situation violente souvent chaotique, non choisie et surtout non déterminée. Agir librement face à l’inattendue, peu importe son état, est un des enjeux de cette recherche. Comment développer ou actualiser un état d’être permettant de faire face est une problématique majeure pour tous pratiquants d’arts martiaux.

La nécessité d’un entretien physique conséquent.

La recherche d’une condition physique générale optimum est pour moi un prérequis indispensable pour tous les pratiquants qui souhaitent s’investir. Les cours d’Aïkido ne suffisent pas, il y a trop d’éléments à étudier et généralement trop peu d’heures de cours dans une semaine pour consacrer suffisamment de temps à ce sujet.  Dans une époque où la sédentarité devient un problème sanitaire majeur, il me semble important de préciser que sans parler du maintien d’une certaine qualité de vie, il est presque impossible de développer des compétences martiales sans entretenir et développer son potentiel physique global. Bien sûr, une personne de 20 ans et une personne de 60 ans n’auront pas les mêmes capacités athlétiques. Certaines personnes ont des pathologies, des traumatismes, des handicaps, il ne s’agit pas de performance mais de prendre soin, de faire au mieux avec les contraintes de son existence. Pendant plusieurs années, j’ai décidé de mettre en place des cours séparés de l’Aïkido pour permettre aux élèves d’améliorer leurs capacités physiques générales, d’affiner leurs consciences corporelles et de les rendre autonomes dans cet aspect de l’entraînement. J’invite maintenant tous les pratiquants de mon dojo à en prendre acte en leur proposant des ateliers pour comprendre les bases de ce travail ou en les orientant vers des programmes de préparation corporelle adaptés à leurs besoins et leurs envies.

Travail de la vague : exercice de préparation en aïkido pour la mobilité du rachis, du sternum et la transmission du poids dans le corps.

Travail de la vague : exercice créé par Hino Akira et étudié ici par Tanguy pour la mobilité du rachis, du sternum et la transmission du poids dans le corps.


Echauffement et préparation : une logique spécifique à l’étude de l’Aïkido.

Pendant les cours, je ne fais pas d’échauffement à proprement parler. Je commence simplement l’apprentissage à très faible intensité. L’échauffement articulaire, musculaire et cardio respiratoire se font directement dans le contexte de la pratique. L’Aïkido ne nécessite pas, selon moi, d’explosivité ou de puissance, de contraction musculaire intense, ou de grande souplesse. Le travail étant corrélé à l’utilisation des armes, il y a en définitive peu de contraintes sur les corps ou disons que ces contraintes peuvent être facilement mesurées. C’est d’ailleurs ce qui permet de travailler avec des personnes de tous âges et de toutes conditions.

Si je ne privilégie pas les échauffements au sens classique du terme, il m’arrive de faire des préparations courtes, surtout en début d’année ou en stage, pour mettre l’accent sur une mobilité particulière, indispensable à certaines réalisations techniques. Peu de gens ont une conscience claire de la mobilité des omoplates, des hanches, du rachis ou encore du sternum. La coordination fine et la proprioception sont aussi des éléments fondamentaux étudiés pendant ces temps d’exploration corporelle. Elles permettent d’actualiser une sensibilité et une conscience plus aiguisée du mouvement. Les exercices proposés peuvent être approfondis par les pratiquants en dehors des temps d’entraînement. Des liens peuvent ainsi être réalisés entre les mouvements de préparations et les gestes du quotidien.

Une préparation martiale.

Dans un contexte d’affrontement non rituel, il n’y a pas de temps pour la préparation ou pour l’échauffement. Le mouvement doit jaillir spontanément. Le corps et l’esprit doivent donc demeurer disponibles, ouverts. L’extension associée au relâchement musculaire pour le départ et l’arrêt du geste, la synchronisation et la dissociation, la légèreté des appuis, l’effacement et la fluidité sont des principes de mouvement qui assurent une action très rapide et non traumatisante pour le corps. Bien sûr, il faut beaucoup de pratique pour réaliser ces principes totalement. Mais plus on avance dans l’étude et plus les gestes deviennent agréables et « ouvre » le corps, quelle que soit la vitesse d’exécution. Ces mouvements, reflets d’un état d’esprit et d’un état de corps global doivent s’expérimenter sur et en dehors du tatami. Cette introspection corporelle et mental est la véritable préparation en Aïkido. L’actualisation d’un état de présence à soi-même, aux autres et à son environnement. 

Une préparation continue.

Tous les mouvements peuvent permettre une prise de conscience de son corps et de son état d’esprit et favoriser la compréhension et la réalisation d’un état propice à l’expression de l’Aïkido. Je pense qu’il est important de supprimer les séparations entre préparation physiques générale, pratique de l’Aïkido et vie quotidienne. Chaque expérience peut être porteuse d’enseignement. Tout est une question de conscience. 

Article écrit par Tanguy Le Vourc'h, publié dans Dragon magazine Hors série spécial Aïkido n°7
Crédits photo : Daniel Molinier